Dans un contexte d’intensification de la rivalité sino-américaine dans les domaines du soft et hard power, il est impératif pour notre pays d’avoir une stratégie géopolitique claire, lucide et efficace. Cela suppose avant tout de définir une feuille de route viable pour le court, le moyen et le long terme.
S’agissant du court terme, il convient de corriger la grossière erreur stratégique commise par les autorités de notre pays. Je considère en effet le rapprochement avec la Chine et la Russie comme une aberration politique dans un contexte de fragmentation géoéconomique.
La Russie, dont le système politique autoritaire est très éloigné du modèle de démocratie auquel aspire le peuple malgache, est en réalité un pays technologiquement dépassé et politiquement isolé.
De plus, force est de reconnaître que les dirigeants de ce pays n’hésitent pas à bafouer les droits de l’homme, à piétiner le droit international, à mépriser et à humilier leur propre peuple. Difficile dans ces conditions d’imaginer des relations saines basées sur le principe d’égalité entre États.
Mes craintes se renforcent davantage encore dès lors qu’il s’agit d’aborder la question du groupe Wagner. Cette armée privée, travaillant pour le compte de la Russie, constitue, en effet, un véritable danger pour notre démocratie. Cette organisation paramilitaire n’hésite pas à s’ingérer dans les affaires intérieures des pays, en exploitant l’insécurité qui y règne. Son objectif principal : apporter son soutien aux régimes autoritaires pour mieux piller les ressources naturelles des pays concernés, quitte à commettre des atrocités de masse sur les civils, comme ce fut le cas en Afrique centrale.
Pour toutes ces raisons, il me semble nécessaire de revoir en profondeur notre positionnement géopolitique vis-à-vis de ce pays.
L’intérêt croissant de la Chine pour Madagascar constitue un autre sujet de préoccupation majeure. Il n’a, en effet, échappé à personne qu’il existe un vrai risque de néocolonialisme chinois en Afrique et à Madagascar. Après des décennies de prêts faramineux, de chantiers titanesques, les pays africains peinent aujourd’hui à honorer leurs obligations envers la Chine, entraînant un risque majeur de perte de souveraineté.
Son ingérence dans les affaires intérieures des États constitue également un signal inquiétant. Que dire des affaires de corruption qui trouvent en Afrique un champ d’application nouveau ? Que dire du soutien apporté par ce pays aux régimes fantoches dont la préoccupation majeure est de satisfaire des intérêts particuliers au détriment, bien évidemment, de l’intérêt général ?
Alors que notre pays ouvre grand ses bras à la Chine, les pays africains, eux, commencent à s’interroger sur la pertinence de leurs relations avec cet État asiatique dominé par un Parti communiste tentaculaire, opaque et liberticide.
À moins de vouloir perpétuer la corruption à Madagascar et à fragiliser l’avenir du peuple malgache, je ne vois aucune raison valable justifiant ce type de partenariat. Continuer sur cette voie, c’est entraîner le peuple malgache dans une aventure dangereuse dont il paiera le prix fort sans y consentir.
C’est pourquoi, il devient urgent pour notre pays de limiter à sa plus simple expression toutes relations bilatérales avec ces deux pays. Il en va de notre indépendance politique, économique, sociale et culturelle.
S’agissant de la stratégie géopolitique sur le moyen terme, il convient d’adopter une politique de non-alignement et d’élargir le nombre de nos partenariats privilégiés afin de garantir notre indépendance sur la scène internationale. Il serait souhaitable de renforcer nos relations avec les pays anglophones (États-Unis, Angleterre, Canada et Australie) les pays scandinaves (Danemark, Norvège et Suède), les pays d’Asie du Sud Est (Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande, Timor oriental et Vietnam), ainsi qu’avec le Japon, la Corée du Sud, Taiwan et l’Inde.
Cette stratégie de couverture, le « hedging » permettra à notre pays de demeurer indépendant vis-à-vis des pays tiers et de renforcer son influence politique, économique, sociale et culturelle sur une large partie du continent africain.
Pour en savoir plus sur cette question, je vous invite à lire ma publication en date du 19 novembre 2022 intitulée : « Le hedging comme stratégie au service de l’indépendance politique et économique de Madagascar ». Cette stratégie sera présentée de manière plus détaillée dans l’ouvrage que je suis en train de rédiger et que je mettrai gratuitement à disposition de mes compatriotes malgaches.
S’agissant enfin de la stratégie géopolitique de long terme, notre pays doit se donner les moyens de devenir l’une des premières puissances de la zone Afrique. Pour se faire, il faudra impérativement :
– promouvoir l’excellence dans le domaine de l’éducation ;
– lutter contre la corruption et le trafic d’influence ;
– favoriser l’efficacité et l’équité en économie ;
– soutenir les populations les plus fragilisées ;
– promouvoir une politique de santé gratuite pour tous ;
– garantir une sécurité et une autonomie alimentaire des Malagasy ;
– faire de Madagascar un exemple en matière de développement durable ;
– s’orienter vers une égalité réelle entre les femmes et les hommes ;
– combattre toutes les autres formes de discrimination au sein de la société Malagasy ;
– changer de régime pour permettre une stabilité politique ;
– lutter contre la prolifération des partis politiques ;
– moderniser l’administration publique pour plus d’efficacité ;
– créer un fonds souverain au service de la création d’entreprises ;
– faire de Madagascar un territoire à fiscalité réduite ou nulle ;
– inciter les retraités étrangers à venir vivre à Madagascar ;
L’aboutissement de toutes ces réformes permettra à notre Nation d’être suffisamment forte pour se confronter à ce monde fait d’affrontements, de rapports de force et de frictions. Il permettra également à notre pays de disposer d’une véritable crédibilité politique lui offrant la possibilité de rayonner paisiblement à l’échelle régionale et internationale.
Que Dieu bénisse le peuple malgache et protège notre Nation !
Gianni Rakotonanahary